Société

Londres : « End attacks on Muslims »

Mobilisation contre l'islamophobie

Rédigé par Amara BAMBA | Lundi 20 Novembre 2006 à 16:51

A l'appel de la BMI (British Muslim Initiative), c'est un chapelet de personnalités politiques et intellectuelles anglaises qui se sont donné rendez-vous aujourd'hui, 20 novembre 2006, au centre de Londres. La marche est placée sous le slogan «End Attaks on Muslims » ( Arrêtez les attaques contre les musulmans). Pour ses organisateurs, il s'agit de « lancer une campagne nationale pour la défense de la liberté de religion, de culture et pour combattre la montée de l'islamophobie. »



La BMI est une jeune association indépendante lancée en février 2006. Elle se donne pour objectif de défendre les droits des musulmans britanniques estimés à 1,8 millions de fidèles. Son communiqué de presse annonçant la manifestation exprime sa volonté de poser la question de l'islamophobie dans le cadre général des discriminations que subissent les groupes minoritaires.

Pour la BMI, une véritable campagne de haine est en cours en Angleterre. Elle a transformé le musulman en cible potentielle d'attaques discriminatoires. Elle incite à la remise en question de libertés civiles et religieuses, dont la tentation de revenir sur le droit de se vêtir en accord avec ses convictions religieuses. La BMI estime que cette haine doit être « vigoureusement combattue, exactement comme doit être combattue toute attaque contre les droits des chrétiens, des juifs des sikhs ou de tout autre groupe religieux. »

Les intervenants


Le maire de Londres, Ken Livingstone a signé l'appel. Il est invité à prendre la parole à ce grand rendez-vous contre l'islamophobie et contre les discriminations. M. Livingstone reconnaît que la minorité musulmane est injustement diabolisée. « Au cours des dernières semaines, nous avons assisté à une diabolisation des musulmans, comparable à la diabolisation des juifs à la fin du dix-neuvième siècle » écrit-il dans un communiqué de press. M. Livingstone prévient que « les attaques contre les musulmans, sont en réalité des menaces contre les libertés de tous, des libertés qu'il nous a fallu des centaines d'années pour conquérir comme la liberté de conscience, la liberté d'expression culturelle. »

La BMI a aussi invité Muhammad Abdul Bari, secrétaire général de la fédération MCB (Muslim Council of Britain), grosse fédération d'associations musulmanes anglaises, à prendre la parole lors de ce rendez-vous. Avec lui, l'intellectuel Tariq Ramadan qui a trouvé refuge à Londres après avoir tenu la tête de la liste des cibles des mouvements islamophobes français et américains. La participation de la chercheuse Soumaya Gannouschi, connue des lecteurs d'Al-Jazeera.net et du Guardian est aussi attendue. Militante engagée et plume particulièrement brillante, Soumaya Gannouschi estime que les musulmans « ont besoin de se mobiliser pour faire face aux vrais défis et aux engagements dans des problèmes véritables plutôt que de nous égarer avec ce que tel écrivain a dit ou tel artiste a produit. »

Interrogée sur www.islamonline.net sur les raisons du succès de l'islamophobie et de sa persistance, Soumaya Gannoushi explique « l'islam éveille un sentiment complexe chez « l'Européen » : peur, suspicion, fascination tout comme la volonté de se démarquer de l'autre... Il est parfois édifiant de voir que, face à la question de 'islam, « l'Européen matérialiste » en arrive à se référer à son identité d'européen chrétien du moyen âge. Les mêmes images et conceptions de l'islam, formulées au moyen âge, sont encore d'actualité aujourd'hui, mais elles sont recyclées au discours libéral et laïc. Je pense que nous avons besoin de temps pour que la minorité musulmane s'installe en ces pays et qu'elle soit reconnue comme composante fondamentale de cette société, non comme un corps étranger, ni comme une cinquième colonne. Il a fallu du temps aux autres minorités, il faudra aussi du temps aux musulmans. »

Islamophobie à la française


Près de vingt-cinq personnalités, sont invitées à prendre la parole ce lundi à Londres pour défendre la liberté d'expression et la liberté de conscience qu'ils savent menacées au prétexte de la peur de l'islam. Ironie de l'actualité ou paradoxe à la française, les promoteurs de la haine islamophobe en France, prétendent aussi défendre la liberté d'expression et la liberté de conscience!

A partir de l'affaire Redeker, un enseignant islamophobe menacé de mort par des personnes à ce jour non-identifiées, les islamophobes et facilitateurs d'islamophobie ont trouvé une aubaine. Ils se sont rués sur l'anecdote pour relancer un mouvement de « défense de la liberté d'expression » dont les retombées médiatiques sont très juteuses pour les marchands d'islamophobie. Dans les colonnes des journaux, au fil des dépêches d'agences, M. Redeker est le « nouveau Salman Rushdie », ce dont l'intéressé se défend. Mais, en dehors d'une tempête dans un verre de lait, l'affaire Robert Redeker n'a pas encore apporté à la victime la notoriété qu'elle est en droit d'attendre de la menace injuste qu'elle subit. Ce n'est certainement qu'une question de temps, ses amis y travaillent.

Remis à l'ordre du jour par Vincent Geisser, auteur d'un livret synthétique et courageux (la nouvelle islamophobie, Ed. La Découverte, 2003), le mot islamophobie est encore un mot boycotté par la presse française. Pour les journaux de l'Hexagone, les objets incendiaires jetés dans des mosquées, les croix gammées sur leurs murs, la tête de cochon hypocritement déposée dans un lieu dédié à la prière musulmane, ne sont pas encore des manifestations d'islamophobie. Pour cette raison, ces incidents sont qualifiés de fait de « société », sinon rangés dans la rubrique « vandalisme ».